in Les Etudes Philosophiques, 2022/4, pp. 39-65 (“Intolérable altérité (I). L’intolérance transcendantale de l’ego selon Husserl“)
Abstract: It seems quite uncontroversial to claim that Levinas’ philosophical debt towards the founding father of phenomenology does not extend to Husserl’s analysis of intersubjectivity and description of the encounter with the other. Like most of his students and inheritors, Levinas developed his own approach to alterity on the basis of a critique of Husserl’s failed attempt to account for the relationship to the other in the 5th Cartesian Meditation. It is however possible to make a case for an alternate interpretation of the acute and meticulous analysis of the experience of the other that this text proposes. Beyond the seemingly disappointing reduction of alterity to the constitutive powers of the ego, which notoriously provoked the dissatisfaction of most of his successors, the 5th Meditation can be read as Husserl’s most accomplished attempt to account for the irreducible separation that provides the fundamental basis of one’s subjective life. The ego’s insuperable intolerance, its inability to access to the other without constituting her as its double, might then convey a positive meaning: rather than the ultimate failure of constitutive phenomenology and the demonstration of its insensitivity to radical alterity, the 5th Meditation might accordingly be interpreted as the starting point for the original analysis of the relationship to the other which constitutes the fundamental insight of Levinas’ philosophy.
Résumé: Si Levinas a souvent affiché son admiration pour le père fondateur de la phénoménologie, le rapport de filiation qui les unit semble s’arrêter au moment précis où l’analyse phénoménologique pénètre sur le terrain de l’intersubjectivité et rencontre la question d’autrui. Comme beaucoup de disciples et lecteurs de Husserl, Levinas a construit son analyse de l’altérité dans le sillage de l’échec auquel conduisait la cinquième des Méditations cartésiennes de Husserl, dans son incapacité flagrante à établir une authentique relation à autrui. Il est pourtant possible de proposer une autre lecture de cette cinquième Méditation et de l’expérience de l’étranger que Husserl s’y attache à interroger et à décrire. Derrière la reconduction de l’altérité à l’ego qui en constitue le sens et en donne la mesure, ce qui se joue dans ces analyses, c’est d’abord l’effort de Husserl pour penser l’irréductibilité de la séparation depuis laquelle s’éprouve la vie en première personne du sujet. L’intolérance indépassable de l’ego, incapable de considérer autrui sans le ramener inévitablement à lui-même pour le constituer comme son double, peut alors prendre un sens positif : il ne s’agit plus du point d’achoppement ultime d’une phénoménologie constitutive en bout de course, incapable de prendre en vue la question de l’altérité, mais plutôt du point de départ d’une pensée originale de la relation à autrui à laquelle Levinas donnera toute sa mesure.
Le texte complet de cet article est disponible ici. L’article complémentaire de Chiara Pavan, “Intolérable altérité (II). Supporter autrui selon l’éthique de Levinas“, peut aussi être téléchargé ici.
Le numéro spécial des Etudes philosophiques dirigé par C.V. Spaak et consacré aux approches phénoménologiques de la tolérance est accessible ici.