M1 philosophie contemporaine – Extraits cités

Derek Parfit

Reasons and Persons (1984), pp. 190 sq.

1ère étape de l’expérience de Parfit

« I enter the Teletransporter. I have been to Mars before, but only by the old method, a space-ship journey taking several weeks. This machine will send me at the speed of light. I merely have to press the green button. Like others, I am nervous.

The Scanner here on Earth will destroy my brain and body, while recording the exact states of all of my cells. It will then transmit this information by radio. Travelling at the speed of light, the message will take three minutes to reach the Replicator on Mars. This will then create, out of new matter, a brain and body exactly like mine. It will be in this body that I shall wake up. […]

I press the button. As predicted, I lose and seem at once to regain consciousness, but in a different cubicle. Examining my new body, I find no change at all. Even the cut on my upper lip, from this morning’s shave, is still there. »

2nde étape de l’expérience de Parfit

« Several years pass, during which I am often Teletransported. I am now back in the cubicle, ready for another trip to Mars. But this time, when I press the green button, I do not lose consciousness. There is a whirring sound, then silence. I leave the cubicle, and say to the attendant: ‘It’s not working. What did I do wrong?’

‘It’s working’, he replies, handing me a printed card. This reads: ‘The New Scanner records your blueprint without destroying your brain and body. We hope that you will welcome the opportunities which this technical advance offers.’ The attendant tells me that I am one of the first people to use the New Scanner. He adds that, if I stay for an hour, I can use the Intercom to see and talk to myself on Mars. ‘Wait a minute’, I reply, ‘If I’m here I can’t also be on Mars’. »

Franz Brentano

Psychologie du point de vue empirique

« Dans le même phénomène psychique, où le son est représenté, nous percevons en même temps le phénomène psychique ; et nous le percevons suivant son double caractère, d’une part en tant qu’il a le son comme contenu, et d’autre part en tant qu’il est en même temps présent à lui-même comme son propre contenu […] L’acte psychique de l’audition […] devient en même temps, dans sa totalité, son objet et son contenu propres » (II, 2, §8)

Psychologie descriptive :

« Toute conscience, quel que soit l’objet vers lequel elle est dirigée primairement, est latéralement dirigée vers elle-même. Dans le fait de représenter la couleur, il y a donc un représenter de ce représenter »

Psychologie du point de vue empirique, I, 2, §2, p.40 :

« ce qui est objet de ce que l’on appelle communément perception externe, nous pouvons l’observer : pour bien comprendre un phénomène, on y applique toute son attention. Mais c’est là une chose absolument impossible quand il s’agit de l’objet d’une pure perception interne »

Husserl

5ème Recherche Logique, §3

« Ce que le moi ou la conscience vit est précisément son vécu. Il n’y a pas de différence entre le contenu vécu ou conscient et le vécu lui-même. Ce qui est senti par exemple n’est pas autre chose que la sensation. Mais quand un vécu « se rapporte » à un objet qui doit être distingué de lui-même, comme par exemple la perception externe se rapporte à l’objet perçu, la représentation nominale à l’objet nommé, etc. alors cet objet n’est pas vécu ni conscient au sens qu’il convient ici de déterminer, mais justement perçu, nommé, etc. »

Recherche Logique 5, §2 :

« On ne saurait assez fortement insister sur l’équivoque qui nous permet de donner le nom de phénomène non seulement au vécu en quoi réside l’apparaitre de l’objet (par exemple au vécu concret de la perception, dans lequel l’objet est présumé être présent lui-même), mais aussi à l’objet apparaissant comme tel. […] L’apparition de la chose (le vécu) n’est pas la chose apparaissant (ce qui est présumé se trouver « en face de nous »). Nous vivons les phénomènes comme appartenant à la trame de la conscience, tandis que les choses nous apparaissent comme appartenant au monde phénoménal. Les phénomènes eux-mêmes ne nous apparaissent pas, ils sont vécus ».

5ème Recherche Logique, §4 :

« Les contenus ont précisément, comme les contenus en général, leurs façons, déterminées selon des lois, de se rassembler entre eux, de se fondre en des unités plus vastes, et, du fait qu’ils s’unifient ainsi et ne font qu’un, le moi phénoménologique, ou l’unité de la conscience, se trouve déjà constitué sans qu’il soit besoin, par surcroît, d’un principe égologique (Ichprinzip) propre supportant tous les contenus et les unifiant tous une deuxième fois. Ici comme ailleurs, la fonction d’un tel principe serait incompréhensible ».

§4: « Il est clair que la relation selon laquelle nous rapportons les vécus à une conscience (ou au « moi phénoménologique ») ne renvoie à aucune situation phénoménologique spécifique. Le moi au sens courant est un objet empirique, aussi bien le moi propre que le moi étranger, et n’importe quel moi l’est tout autant qu’une chose physique quelconque, tels une maison ou un arbre, etc. »

« L’être-objet du point de vue phénoménologique consiste en certains actes dans lesquels quelque chose apparaît ou est pensé comme objet »

§8: « Comment pourrions-nous constater ce « fait fondamental de la psychologie » si nous ne le pensons pas, et comment pourrions-nous le penser sans « faire » du moi et de la conscience, en tant qu’objets de cette constatation, « des objets » ? »

« La seule chose que je sois en mesure de remarquer, c’est le moi empirique et sa relation aux vécus propres ou aux objets extérieurs »

§4: « le moi au sens courant est un objet empirique, aussi bien le moi propre que le moi étranger, et n’importe quel moi l’est tout autant qu’une chose physique quelconque, tels une maison ou un arbre, etc. »

« Chaque sorte de « réflexion » a le caractère d’une modification de conscience, et d’une modification que par principe toute conscience peut subir » (Idées directrices pour une phénoménologie, t. 1, § 78, trad. Lavigne p. 228)

« Chaque présent actuel de la conscience est soumis à la loi de la modification » (Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, §11 p.44)

« Un vécu n’est […] jamais perçu intégralement ; il n’est pas saisissable adéquatement dans sa complète unité. Il est, selon son essence, un flux, que nous pouvons, en dirigeant sur lui le regard réflexif, accompagner à partir du point du maintenant  » (ID1 §44, p.134)

« Tout vécu est en lui-même un flux de devenir […] ; un flux continuel de rétentions et de protentions médiatisé par une phase, elle-même fluente, de l’originarité, dans laquelle le maintenant vivant du vécu devient conscient par opposition à son « avant » et à son « après » » (§78, p. 229)

« Avec le surgissement d’une donnée originaire, d’une phase nouvelle, la précédente n’est pas perdue, mais « gardée en tête » (c’est-à-dire précisément « retenue »). Mais parce que je l’ai en tête, je peux diriger mon regard sur elle dans un acte nouveau, que nous nommons une réflexion (perception immanente) […] C’est à la rétention que nous sommes redevables de pouvoir prendre la conscience pour objet  » (Leçons, supplément IX, p. 159)

« Nous avons aussi la possibilité d’opérer, par rapport à la joie devenue après coup objet, une réflexion sur la réflexion qui l’objective, et ainsi de mettre plus clairement encore en lumière la différence entre la joie vécue, mais non regardée, et la joie regardée ; et de même, les modifications qui surviennent du fait des actes de saisie, d’explicitation, etc. qui entrent en jeu quand le regard se dirige sur elle » (ID 1 §77 p.226)

« Tout vécu qui n’est pas sous le regard peut, en vertu d’une possibilité idéale, devenir un vécu « regardé », une réflexion du Moi se dirige dessus, il devient maintenant objet pour le moi » (§77 p.224)

« C’est seulement en faisant l’expérience d’actes réflexifs que nous savons quelque chose du flux du vécu et de la relation nécessaire de celui-ci avec le Moi pur ; par conséquent que c’est un champ où s’accomplissent librement les cogitationes du même et unique Moi pur ; que tous les vécus du flux sont les siens, précisément dans la mesure où il peut porter le regard sur eux, ou bien « à travers eux » sur autre chose, étranger au Moi » (§78 p.231; trad. modifiée)

Heidegger

  • Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, §12c

« La réalité (realitas ou quidditas) est ce par quoi on répond à la question: quid est res?, qu’est-ce que cette chose ? De quoi s’agit-il? L’étant que nous sommes nous-mêmes, le Dasein […] ne peut jamais être visé comme tel à travers la question: qu’est-ce que… Nous ne trouvons accès à cet étant qu’en demandant: qui est-il? Ce n’est pas la quiddité, mais, s’il est permis de forger un terme pareil, la Werheit, la quissité qui appartient à la constitution du Dasein. La réponse à la question: qui? ne donne pas une res, mais un Je, un Tu, un  Nous »

  • cours de 1919, L’idée de la philosophie et le problème des visions du monde

« Dans la réflexion, nous adoptons une attitude théorique. Tout comportement théorique […] est dévitalisant. […] Dans la réflexion, [les vécus] ne sont en effet plus vécus mais observés parce qu’ainsi va le sens de la réflexion. Nous plaçons les vécus devant nous et les arrachons à l’expérience vécue immédiate ; nous tendons pour ainsi dire la main vers le flux du vécu qui s’écoule et nous prélevons un ou plusieurs vécus, ce qui signifie que nous « immobilisons le flux », ainsi que l’écrit Natorp. […] La prétention de la phénoménologie à n’être qu’une pure description ne change rien à son caractère théorique »

« Vivant dans un monde ambiant, tout me signifie toujours et partout, tout est mondain, « ça mondanise » (es weltet) »

  • Cours de 1919, Problèmes fondamentaux de la phénoménologie

« La réification en tant que processus de dévitalisation n’est en aucune façon une méthode pour la connaissance de la vie » (GA 58, 233)

  • Idée de la philosophie… (1919)

« Le fait de m’avoir moi-même (Mich-Selbst-Haben) ne consiste pas à fixer mon regard sur le moi (Ich) en tant qu’objet, mais correspond au processus dans lequel la vie gagne et perd une certaine familiarité/intimité (Vertrautheit) avec elle-même » (GA56/57 p.258)

« Le vécu est […]. Il possède un maintenant, il est là – et il est même d’une certaine manière mon vécu. Je suis certes là, je le vis ; il appartient à ma vie, et pourtant il est, en vertu de son sens, comme détaché de moi, absolument éloigné du je » (GA 56/57, p. 69)

  • Prolégomènes à l’histoire du concept de temps (1925), §12

« Si l’intentionnel doit être interrogé quant à son mode d’être, il faut que l’étant qui est intentionnel soit donné originairement dans son mode d’être »

  • Être et temps (1927)

« Le Dasein se comprend toujours soi-même à partir de son existence. […] Son essence consiste bien plutôt en ceci qu’il a à chaque fois à être son être en tant que sien » (§4)

« Le quid (essentia) de cet étant, pour autant que l’on puisse en parler, doit nécessairement être conçu à partir de son être (existentia). » (§9)

« La substantialité, tel est le fil conducteur ontologique de la détermination de l’étant à partir duquel la question du qui ? reçoit réponse. Tacitement, le Dasein est d’emblée conçu comme sous-la-main ; à tout le moins l’indétermination de son être implique-t-elle toujours ce sens d’être. Et pourtant l’être-sous-la-main est le mode d’être de l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein » (SZ §25)

« L’expression « Soi-même » nous a permis de répondre à la question du qui du Dasein. L’ipséité du Dasein a été formellement déterminée comme une manière d’exister, et non pas, par conséquent, comme un étant sous-la-main » (§54)

« La constitution ontologique du Soi-même (des Selbst) ne se laisse reconduire ni à un Moi-substance, ni à un ‘sujet’ » (§64)

« La mêmeté propre au Soi-même existant authentiquement est séparée ontologiquement par un abîme de l’identité du Moi tel qu’il se maintient dans la multiplicité des vécus » ( §27)

  • Problèmes fondamentaux de la phénoménologie §15b (1927)

« En existant, le Dasein est présent à lui-même, même si l’Ego ne se dirige pas expressément sur lui-même au sens d’une véritable conversion ou d’un retour sur soi, que l’on appelle, en phénoménologie, « perception interne » par opposition à la perception externe. Le soi est présent au Dasein lui-même sans réflexion et sans perception interne, antérieurement à toute réflexion »

« On peut cependant nommer, avec pertinence, « réflexion », la manière dont le soi se dévoile à soi-même dans le Dasein facticiel, pourvu seulement que l’on n’entende pas par là, comme c’est généralement le cas, l’auto-fascination de l’Ego replié sur lui-même, mais un ensemble de relations […]. Se réfléchir signifie alors se réfracter sur quelque chose, en rejaillir, c’est-à-dire se montrer en se reflétant sur quelque chose »

« Le Dasein n’a nul besoin de revenir à lui-même […]. Le Dasein ne se trouve nulle part ailleurs que dans les choses elles-mêmes et justement dans celles qui quotidiennement l’entourent. […] Pour accéder à soi, le Dasein n’a pas besoin d’un type particulier d’observation, il n’a pas à espionner, pour ainsi dire l’Ego, mais, dans la mesure où le Dasein s’adonne immédiatement et passionnément au monde, son ipséité propre se réfléchit sur les choses ».

« Le Dasein comprend son ipséité à partir des choses dont il se préoccupe quotidiennement. […] Nous nous comprenons sur le mode de la quotidienneté »

« L’auto-compréhension moyenne du Dasein prend le Soi comme non-propre (uneigentlich) »

« Certes, c’est bien nous que nous comprenons, mais nous ne nous comprenons pas tels que nous nous appartenons en propre, mais tels que nous sommes lorsque nous nous sommes perdus dans la quotidienneté de l’existence, rivée aux choses et aux personnes » (PFP §15b)

« De prime abord, le Dasein factice est dans le monde commun médiocrement découvert. De prime abord, « je » ne « suis » pas au sens du Soi-même propre, mais je suis les autres selon la guise du On. C’est à partir de celui-ci et comme celui-ci que, de prime abord, je suis « donné » à moi-même » (SZ §27) « L’inauthenticité du Dasein ne signifie point par exemple un « moins »-être ou un degré d’être « plus bas ». Elle peut au contraire déterminer le Dasein selon sa concrétion la plus pleine, dans sa capacité d’être occupé, stimulé, intéressé, réjoui »(SZ §9)

« Le Dasein n’est pas simplement, comme tout étant en général, identique à soi-même au sens ontologico-formel où chaque chose est identique à elle-même [identisch mit sich selbst ist jedes Ding] : le Dasein n’a pas non plus simplement conscience de cette identité [Selbigkeit], à la différence des choses de la nature, mais le Dasein comporte une identité à soi-même spécifique [eine eigentümliche Selbigkeit] : l’ipséité [Selbstheit]. Son mode d’être est tel qu’en un sens, il s’appartient en propre, il se possède soi-même [es hat sich selbst] et pour cette seule raison peut se perdre. Si le Dasein existant peut se choisir soi-même proprement et déterminer primordialement son existence à partir de ce choix, autrement dit, s’il peut exister proprement, c’est parce que l’ipséité, l’auto-appropriation appartient à l’existence [Existenz]. Mais il peut également se laisser déterminer en son être par les autres et exister primordialement de manière non propre [uneigentlich] dans l’oubli de soi-même  » (Problèmes fondamentaux de la phénoménologie §15c)

Sartre, La transcendance de l’Ego

« Il existe une unité immanente [des consciences réfléchies], c’est le flux de la conscience se constituant lui-même comme unité de lui-même » (éd. De Coorebyter, Vrin, 2003, p.108)

« C’est la conscience qui s’unifie elle-même et concrètement. […] L’objet est transcendant aux consciences qui le saisissent et c’est en lui que se trouve leur unité. […] La conception phénoménologique de la conscience rend le rôle unifiant et individualisant du Je totalement inutile » (p.97)

« L’Ego est unité des états et des actions […]. Il est unité d’unités transcendantes et transcendant lui-même. C’est un pôle transcendant d’unité synthétique, comme le pôle-objet de l’attitude irréfléchie. Seulement ce pôle n’apparait que dans le monde de la réflexion »

« Le psychique est l’objet transcendant de la conscience réflexive […]. L’Ego apparait à la réflexion comme objet transcendant réalisant la synthèse permanente du psychique »